Gens de la mer : Arthur Deraps (1926-2020)
La rencontre avec M. Arthur Deraps d’Aguanish s’est déroulée au Foyer de Havre-Saint-Pierre. Accompagné de ses filles Monique et Hélène, cet aîné de 93 ans a ouvert pour nous quelques pages de sa vie. Né le 1er avril 1926, Arthur est le premier fils d’Exilda Rochette et d’Albert Deraps. Il deviendra le bras droit de son père qui possédait un magasin général et un petit bateau pour faire la pêche avec une trappe à morue.
Arthur a travaillé un été dans l’industrie forestière à Shelter Bay (Port-Cartier) et lorsque son père est retourné le chercher en bateau, il lui a dit : « C’est la dernière fois que tu es allé au chantier! » C’était son homme de confiance. Ses jeunes frères ont poursuivi leurs études à l’extérieur après leur septième année; l’un d’eux est retourné à Aguanish pour travailler comme gérant à la Caisse Populaire.
Le 19 août 1947, Arthur s’est marié à 21 ans avec Yvette Blais, une fille du village de deux ans sa cadette: « Elle était bien ‘smatte’ et vaillante. Quand elle prenait le torchon, il fallait s’enlever de son chemin! » se rappelle-t-il. Le couple a habité dans la maison de ses parents durant trois ans avant de construire le premier bungalow du village en 1950.
Le couple aura 14 enfants encore tous vivants. Yvette est décédée en 1996. Les fils iront aux études, dont certains à Montréal en habitant chez un oncle, alors que les filles travailleront au magasin familial.
Les revenus de la pêche à la morue de mai à novembre variaient d’une année à l’autre. On engageait des gens pour faire sécher le poisson. Lorsque les stocks de morue ont diminué, ainsi que les prix, Arthur a arrêté la pêche et s’est consacré uniquement au commerce. À un certain moment, sept petits magasins vendaient à peu près tous la même chose à Aguanish. C’était un moyen pour des familles d’avoir un revenu supplémentaire. Les marchandises venaient de Québec et étaient livrées au quai de Natashquan.
Les gens avaient des potagers uniquement pour les besoins de la famille. Certains faisaient aussi de la trappe : vison, renard, loup-cervier (lynx), loutre… Il y avait des caribous, mais il était interdit de les chasser.
Être commerçant était tout un défi à cette époque puisqu’il devait faire crédit aux familles en attendant qu’elles reçoivent un salaire. Et certaines se retrouvaient parfois sans le sou à cause de la maladie ou du manque de travail. Monique se souvient d’une dame dans la quarantaine qui s’était retrouvée veuve avec sept enfants. Son père lui avait préparé des boîtes pleines de nourriture.
À sa retraite, l’un des fils d’Arthur a repris le commerce familial et l’a agrandi. C’est le dernier dépanneur-station-service encore ouvert à Aguanish !
Christine Desbiens, responsable des communications du diocèse de Baie-Comeau