Comment contribuer à une réconciliation avec les autochtones?
« Y’a pas à dire », le mot « réconciliation » est à la mode ces temps-ci, en particulier avec tous les événements qui ont eu lieu en milieu autochtone au cours des derniers mois, voire même des dernières années. Pourquoi autant d’effervescence autour de cette « réconciliation »?
Ces événements sont venus ébranler notre tranquillité. Pensons aux nombreuses tombes anonymes retrouvées sur les terrains des pensionnats autochtones, aux excuses manifestées par la Conférence des évêques catholiques du Canada, à la première Journée nationale de vérité et de réconciliation du 30 septembre dernier, pour ne nommer que ceux-là. Ce sont certainement des pas dans la bonne direction, mais pour arriver à la réconciliation, il faut vraiment comprendre ce que l’autre vit face à ces événements.
Sans vouloir parler au nom des autochtones, ce que je comprends comme prêtre engagé au service des Innus depuis une trentaine d’années, c’est que la découverte des tombes anonymes est venue toucher deux cordes très sensibles dans la culture de ces peuples : l’enfant et la famille. La force du clan veut que si quelqu’un dans la famille subit une injustice, la douleur est partagée par tous ses membres. Et dans ce cas‑ci, la douleur est partagée par tous les peuples autochtones du Canada. Cette douleur s’ajoute à toutes les autres que la colonisation et le pouvoir des autorités gouvernementales et ecclésiales ont fait subir à ces peuples, entre autres à travers les pensionnats.
Dans cet effort de réconciliation, il faut d’abord reconnaître la faute commise. Nous avons entendu cette série d’excuses officielles de la part de nos gouvernements, de l’Église canadienne et de chacun des diocèses impliqués. Ces excuses, il faut les faire nôtres pour qu’il y ait une chance de réconciliation.
Pour que cela puisse se vivre en toute vérité, il faut établir un dialogue franc et sincère entre nous, autant le non-autochtone (allochtone) que l’autochtone. Prendre le temps de rencontrer véritablement l’autre dans son vécu en rapport avec tous ces événements. Ne pas se servir de fausses excuses comme : « Moi aussi, je suis allé(e) au pensionnat! »… Lorsque l’écoute se fera à cœur ouvert, il y aura place à une véritable réconciliation.
La colonisation et le but avoué de l’assimilation ont produit des fruits malsains dans nos relations, d’où la nécessité de refaire nos livres d’histoire et de donner la juste place qui revient à chacun.
Lors de sa rencontre interreligieuse avec des jeunes du Mozambique en septembre 2019, le pape François leur a dit : « Chacun joue un rôle fondamental dans un projet innovant pour écrire une nouvelle page de l’histoire, une page remplie d’espérance, remplie de paix, remplie de réconciliation. »
Comme chrétienne et chrétien, nous pouvons faire un pas de plus. Le pape nous a ouvert un chemin avec son encyclique Fratelli Tutti : c’est celui du pardon. Dans le chapitre intitulé Les parcours pour se retrouver, il présente « la vérité comme compagne indissociable de la justice et de la miséricorde » (no 227). Laisser place à la vérité, c’est avouer ce qui s’est passé et reconnaître la souffrance de l’autre. Ce n’est qu’en empruntant ce chemin que nous pourrons vivre un véritable dialogue.
Pour moi, la réconciliation à partir d’excuses, ce n’est pas assez ! Dans les évangiles, Jésus Christ ne demande-t-il pas de pardonner « jusqu’à 77 fois 7 fois! » Tous ces efforts d’écoute, de dialogue, de réconciliation doivent nous conduire sur le chemin du pardon. Cela demande d’abord d’être assez humble pour reconnaître le tort causé chez l’autre, que ce soit par nous ou par le système, ensuite d’en demander pardon et puis de permettre à l’autre de cheminer pour qu’il puisse éventuellement pardonner à celui qui lui a fait du mal.
« Si donc tu présentes ton offrande vers l’autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande devant l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande. Mets-toi rapidement d’accord avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui… » (Mt 5, 23-25) N’est-ce pas chrétien tout cela?
Dans une prière faite à Aman en Jordanie, le pape François s’exprimait ainsi : « Je demande à Dieu de préparer nos cœurs à la rencontre avec nos frères [et sœurs] au-delà de nos différences d’idées, de langues, de cultures, de religions… Demandons-lui d’oindre tout notre être de l’huile de sa miséricorde qui guérit les blessures des erreurs, des incompréhensions, des controverses; demandons-lui la grâce de nous envoyer avec humilité et douceur sur les sentiers exigeants, mais féconds, à la recherche de la paix. » (Cité dans Fratelli Tutti au no 254)
C’est dans cet esprit de rapprochement que le diocèse de Baie-Comeau créera sous peu un comité de dialogue formé d’Innus et d’allochtones. Ce désir a émergé lors de la réunion de l’équipe diocésaine de septembre dernier. En seront les co-responsables Christine Desbiens et moi-même. Nous vous tiendrons bien sûr informés de ses premiers pas.
Gérard Boudreault, o.m.i., pour le futur comité diocésain de dialogue Innus-allochtones
Texte publié dans l’édition d’automne 2021 du bulletin diocésain L’Église de Baie-Comeau
Lire le texte sur la création du Comité diocésain de dialogue Autochtones-Allochtones ici.